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Les nouvelles technologies ne nous offrent pas que de nouvelles possibilités. Elles créent aussi de nouvelles contraintes, ou suppriment des facilités anciennes, parfois séculaires. Dans un article récent sur ce site web, en néerlandais (“ook voor de NMBS kan telewerken een oplossing zijn”), je montrais comment les technologies de l’information et de la communication ne servent pas à améliorer la qualité de service dans les petites gares, mais à la supprimer. Les TIC auraient pu assister les personnels aux guichets, voire leur offrir des missions complémentaires par télétravail, justifiant et facilitant leur maintien au plus près des voyageurs. Au lieu de ça, elles sont le prétexte à la suppression de ces emplois, et des services qu’ils offrent au quotidien. “Débrouillez-vous avec les machines et les applis”, leur dit la SNCB, société nationale des chemins de fer belges.  Une même logique se trouve dans la limitation de l’accès aux guichets — “Réservez par internet, avant de venir” — mise en œuvre par certaines municipalités et administrations.

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Comme d’autres pays l’ont fait avant elle, la France est en train d’enlever les cabines téléphoniques, petits édicules qui, tout au long du vingtième siècle, ont équipé les trottoirs et les lieux publics des villes et des villages, et qui ont joué un rôle essentiel et irremplaçable dans les films et les feuilletons télévisés (un peu moins dans la littérature), et dans nos vies.
“Personne ne s’en sert”, et “tout le monde a déjà un portable” (ou “GSM”, “cellulaire”), est l’argument. La facilité — d’avoir un téléphone portable — est devenue obligation.  Pour les personnes âgées, comme pour les enfants, comme pour tous. La cabine téléphonique, n’est-elle pas connotée trafiquants, SDF ou sans-papiers ?
Faut-il munir les enfants de téléphones portables ? Les encourager à s’adresser à un inconnu pour passer un coup de fil? Ou leur interdire l’accès à la rue? [Certains le pensent, et une étude britannique récente a démontré le rétrécissement dramatique de l’espace de mobilité autonome des enfants dans nos sociétés. Des enfants qui, il y a deux générations, s’éloignaient sur plusieurs kilomètres de leurs domiciles restent aujourd’hui, à âge égal, planqués chez eux.]

On supprime les téléphones publics. Ils sont fragiles. Leur gestion est jugée trop chère, trop compliquée. Or, les nouvelles technologies aidant, il n’a jamais été plus facile — et moins cher — d’installer des téléphones publics partout. Plus fort que ça: nos rues se remplissent de quasi-téléphones, des appareils sophistiqués auxquels il ne manque qu’un microphone et un petit “haut-parleur” (ou peut-être un “combiné”), ainsi qu’une extension de logiciel, pour devenir de vrais téléphones. Ces appareils (les horodateurs de stationnement) sont cher payés (entre 4400 et 5000 euros/pièce, hors TVA, à quoi s’ajoute une dépense d’entretien de 200 à 250 euros par an et par appareil, également hors TVA). Montants certes rapidement remboursés (souvent en moins d’un an). Ils se trouvent généralement à moins de 100 mètres les uns des autres. Ils sont autonomes en énergie, ils disposent d’une liaison téléphonique (actuellement utilisée pour connaître en temps réel les droits de stationnement des véhicules), ils comportent un écran, un clavier alphanumérique et une petite imprimante, et acceptent trois modes de paiement (par pièces, et par carte, avec code ou sans contact). Serait-il trop difficile de les équiper (ou d’en équiper certains) pour la téléphonie?