En mai dernier, j’ai organisé un déplacement à Paris pour un petit groupe de collègues. Le service déplacements des agents m’avait fourni un billet de groupe, non échangeable. Je connais mes collègues, et la fiabilité des transports, et avais donc fourni une copie à chacun.
Le matin, au départ de Lille, nous n’étions pas au complet. Quelqu’un avait dû renoncer — raison de santé —, et une autre collègue — je l’ai appris par la suite — s’était vue bloquée sur le quai, devant la porte du wagon, par un contrôleur lui réclamant son billet. Le temps qu’elle ouvre ses affaires et en sort le papier, la porte s’était fermée. Sans que démarre le train.
Étant informé de l’incident, j’interrogeai gentiment la contrôleure, quand elle passa vérifier les billets. Je m’étonnai de l’attitude de ses collègues, qui avaient empêché la mienne de monter dans le train. “Quels collègues?” me demanda-t-elle, aussi gentiment. “Je n’ai qu’un seul collègue” me dit-elle, désignant l’autre contrôleur dans la rame. “Les agents sur les quais ne sont pas mes collègues.”
J’en étais surpris, mais ne réagis pas.
Fin de l’excursion, Gare du Nord. Nous reprenons le TGV. Sur le quai, un agent nous explique que la rame n’est pas celle attendue, les numéros des sièges ne correspondent plus. Il nous invite à nous installer là où il y a de la place — ce qui ne pose aucun problème.
À peine sommes-nous partis, qu’une voix haut-parlée nous souhaite la “bienvenue à bord du TGV” (etcaetera — vous connaissez ces messages). Elle y ajoute que “la rame que le prestataire a livrée n’est pas celle convenue”, ce qui peut avoir causé quelques désagréments aux voyageurs, dont elle demande de “nous en excuser”.
Trois quarts d’heure plus tard, alors que je m’attends à voir apparaître les terrils ou la périphérie lilloise, le train traverse la gare TGV-Picardie, à mi-chemin entre Paris et Lille. “Nous arriverons à Lille avec un retard de 15 à 20 minutes” nous annonce la voix haut-parlée, “ceci est dû au retard du Thalys [ou de l’Eurostar, je ne sais plus] qui nous précède. Veuillez nous excuser de ce contretemps, qui est indépendant de notre volonté.” (Je ne cite pas mot pour mot, mais c’est la teneur des propos.) Ce n’est pas nous, c’est les autres.
Quand, une petite demi-heure plus tard, nous nous approchons de Lille, la voix haut-parlée nous remercie d’avoir eu confiance en la SNCF et le TGV, nous souhaite une bonne fin de journée, renouvelle les excuses, demande de ne rien oublier dans le train, et nous avertit pour l’écart entre les marchepieds et le quai.
Rien n’est oublié. Sauf que, après le précédents messages, je suis un peu surpris de ne pas entendre annoncer que le vide entre le wagon et le quai n’est pas la faute du train mais de la gare. Ce n’est pas nous, c’est les autres.
Le surlendemain, je prends le TGV pour Bruxelles, voir une expo. Je commande mes billets sur internet, auprès de la SNCB. Ils sont échangeables une fois avant le départ — mais il n’est jamais indiqué contre quoi. Rentrant de l’expo, j’ai une bonne heure d’avance. Pas mal, car les TGV sont cadencés. Je me rends à l’espace de vente, où je m’adresse au conseiller qui oriente les voyageurs vers les guichets. “Ça vous coûtera cher” me dit-il fort aimablement, “car le train que vous voulez prendre n’est pas un TGV, mais un Eurostar. C’est une autre société.”
Les transport ferroviaires s’émiettent entre plusieurs sociétés, voire entre plusieurs directions au sein d’une même société. C’est la volonté des instances européennes, qui prétendent que cette concurrence est une garantie de qualité. Apparemment, nous n’avons pas encore atteint le niveau britannique, où après un incident ou un accident, personne n’est responsable. “Ce n’est pas nous, c’est les autres.”
L’homme ou la femme politique qui œuvrera pour une société publique européenne de transports ferroviaires — monopolistique s’entend, avec une gouvernance transparente — aura mon soutien. À défaut, c’est la relation avec les voyageurs qui doit être clarifiée.
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P.S.: Voici un lien vers un texte en néerlandais au sujet de la SNCB, et de la fermeture (partielle) des guichets dans quelques dizaines de gares: Ook voor de NMBS kan telewerken een oplossing zijn.
Les technologies de la communication ne servent pas toujours à améliorer la qualité de service, parfois elles le dégradent. Le télétravail, permettrait-il de confier des missions complémentaires aux agents qui tiennent les guichets, quand les voyageurs y sont trop rares?