Maintenant que la vaccination de la population s’accélère, le débat philosophique, éthique et politique s’engage sur les droits et les possibilités qui pourraient à nouveau être accordés aux personnes vaccinées, et dont resteraient (provisoirement?) privées celles qui n’auraient pas encore pu être vaccinées, ou qui refuseraient de l’être.
Dans l’hypothèse, qui reste à confirmer, que les personnes vaccinées ne constituent plus un risque d’infection pour les autres (c’est-à-dire que la vaccination protège à la fois la personne vaccinée et celles avec qui elle est en contact), est-il utile et moralement acceptable, voire nécessaire, de continuer à leur imposer des restrictions dont le seul but est de ne pas les privilégier par rapport à celles, non vaccinées, pour qui ces mêmes restrictions demeurent utiles. Sachant que par effet induit, on pénalise aussi des personnes tierces, dont l’activité professionnelle et les revenus dépendent d’une levée, même partielle, de ces restrictions.
Si A, étant vacciné, ne constitue plus un risque pour B et C, faut-il maintenir les restrictions pour A dans le seul but de ne pas le privilégier par rapport à B, qui (1er cas) n’a pas encore pu être vacciné, ou (2nd cas) n’a pas voulu être vacciné, sachant que cette restriction pour A pénalise également C, car lui empêche de reprendre son activité professionnelle et le prive des revenus afférents.
Ainsi (pour ce 1er cas), on pouvait lire dans la presse (Le Monde, 4 mars): “Covid-19: la création d’un passeport vaccinal se heurterait à de nombreux obstacles juridiques”, la phrase suivante: “« Soumettre la liberté d’aller et de venir au fait d’avoir été vacciné alors que le vaccin n’est pas disponible pour tous constituerait une rupture d’égalité contraire à tous nos principes essentiels », analyse un haut magistrat spécialiste des questions de santé et de libertés publiques.”
Si ça vous semble logique, je vous présente la phrase suivante, qui comprend une petite modification: Soumettre la liberté d’aller et de venir au fait d’avoir de l’argent alors que l’argent n’est pas disponible pour tous constituerait une rupture d’égalité contraire à tous nos principes essentiels.
On ne peut nier qu’il n’y a pas d’argent pour tous — ou plutôt, que l’argent est distribué de façon qu’il n’y en ait pas pour tous. Est-il alors légitime de priver des gens de la liberté d’aller et venir (partir à l’étranger, en vacances, assister à un festival de musique, rentrer dans une boite de nuit, dans un musée…) sur le simple fait qu’ils n’ont pas d’argent? Pourquoi accepterions-nous cette rupture d’égalité, alors que nous la rejetons pour les vaccins?
Si ça vous inspire d’écrire une rédaction à ce sujet, vous pouvez me l’envoyer sur l’adresse internet indiquée en marge.
P.S.: Le même article comprend aussi la réflexion suivante d’un professeur de droit public: « Quelle sera la justification épidémiologique à mettre en place un tel passeport quand le vaccin sera entièrement disponible, quand 70 % ou 80 % de la population aura été vaccinée et que l’on aura atteint l’immunité collective ? »
Or, il semble qu’à l’exemple d’autres maladies (comme la variole), le covid-19 ne disparaîtra qu’à condition d’une vaccination obligatoire et planétaire (soit de tout le monde, soit de tous pouvant avoir été en contact avec une personne infectée). Tant qu’on n’aura atteint que l’immunité collective, le virus pourra continuer à circuler dans des cercles restreints, et ceci d’autant plus facilement que les personnes de ces cercles restreints constituent des communautés où les contacts sont fréquents. Il pourra continuer à muter, et en fin de compte s’affranchir des barrières de l’immunité collecive.