Edouard_LOUIS-Histoire_de_la_violence

Il y a quelques semaines, j’ai acheté et puis lu “En finir avec Eddy Bellegueule” d’Édouard Louis (2014). Remarquable. Par le sujet — plutôt les sujets —, son traitement, son style.
Dans Le Nouvel Observateur (12 janvier 2014), Didier Eribon relevait “la prouesse” que constitue l’imbrication de deux registres linguistiques, pour en déduire que “la réussite littéraire est indéniable” [c’est sur wiki que j’ai trouvé cette citation]. Une appréciation que partage François Bunel (L’Express, 30 janvier 2014; idem wiki] et à laquelle je ne peux que souscrire.
Plus fort: parfois Édouard Louis se risque à un troisième niveau de langage, quand il se place comme observateur, presque sociologue du récit.

Cette lecture fut un encouragement pour en lire davantage: “Histoire de la violence” (2016). Rien que la quatrième de couverture suffit pour convaincre.
Le style est aussi fort, mais la construction trop complexe. Encouragé par les commentaires à juste titre élogieux sur “Eddy Bellegueule”, Édouard Louis doit avoir voulu pousser plus loin la prouesse. Au risque de devenir académique. Il abandonne la chronologie, et change les perspectives. Quant à moi, lecteur, je bute dès le deuxième chapitre (ci-dessus), pourtant démarré plusieurs fois.

L’a-chronologie d’un récit n’est plus chose rare. Le cinéma avec ses flash-back est passé par là. “Purge” (“Puhdistus”) de Sofi Oksanen (2008) en est l’exemple extrême, et un bijou. Après avoir lu ce roman, il y a deux ans, j’ai remis ses 79 chapitres dans l’ordre (de 1936 à 1992), et entrepris une nouvelle lecture. Ça aide à comprendre et apprécier, et offre même une seconde vie à l’histoire, mais ne constitue pas pour autant une critique de la composition telle que l’auteure l’a pensée.

Va donc, pour l’a-chronologie, qui est d’ailleurs plus proche de la façon dont nous nous souvenons d’événements et reconstruisons un récit. Le problème — pour moi — c’est les changements de perspective.
Regardez le début de ce chapitre Deux, où “ma sœur”  raconte l’histoire. Remarque, malgré la première phrase, elle ne “poursuit” rien du tout. Peu importe. L’auteur raconte comment elle raconte ce que lui il a dit. Et y ajoute ses propres commentaires. C’est ingénieux comme construction littéraire, vertigineux même — chapeau! — mais quand moi j’essaie de monter dedans, je me ramasse.

J’ai pourtant essayé plusieurs fois.
Voilà pourquoi je ne lirai pas “Histoire de la violence”.
À mon regret.