Jef Van Staeyen

Catégorie : 2020 (Page 3 of 9)

un tournant aux Beaux-Arts à Lille

En mars 2019, j’ai publié sur ce site un texte déjà plus ancien, mécrochages aux Beaux-Arts à Lille, où je critiquais quelques choix d’accrochage, dans ce musée que j’aime visiter tant pour l’ambiance qui y règne que pour la beauté de ses collections.
L’accrochage qui m’irritait le plus était celui de la Descente de Croix de Rubens, dont la vision était fortement gênée par les reflets d’une fenêtre de la salle adjacente. Tant en 2014 qu’en 2019, je m’étais adressé aux responsables du Musée, qui a l’occasion avaient partagé mon avis: nous savons que le tableau de Rubens “La descente de croix” n’est pas bien positionné et nous envisageons de lui procurer une nouvelle place afin de permettre une meilleure appréciation de l’œuvre.

Retournant au musée ce jeudi 16 juillet (2020), je fus agréablement surpris de constater qu’on avait amélioré l’accrochage du tableau, lui accordant une place équivalente (et donc aussi solennelle), mais dans la salle suivante, à l’abri des reflets.

Certes, la disposition actuelle est provisoire, pour un événement open museum music #6, qui justifie ou explique l’installation d’un carousel musical au centre de la salle. Mais le directeur du musée, qui passait par là, et que j’ai interrogé à ce sujet, m’a déclaré qu’on est très satisfait du nouvel emplacement, et qu’on compte le garder. Je m’en réjouis.
[Il m’a d’ailleurs fait comprendre qu’un nouvel accrochage pourrait être réalisé pour les tableaux hollandais, qui constitue un autre point de mon texte de mars 2019.]

Le tournant des fauteuils ne me passionne pas particulièrement — ni pour la couleur, ni pour le mouvement — mais il me plaît d’imaginer que cet aménagement disparaîtra, laissant le tableau à son nouvel emplacement.

 

Mais pourquoi, ce Rubens?

Ce détail, ce traitement pictural de la robe de Marie-Madeleine, est une des raisons pour laquelle je retourne souvent voir ce tableau.
Ce qui de loin se présente comme des matières très riches et précieuses apparaît de près comme quelques simples traits de peinture, astucieusement positionnés.

de l’obscurantisme chez Grand Corps Malade

Le corona-virus et les mesures pour le combattre nous ont tous touchés. Les uns encore davantage que les autres. Parce qu’ils sont sur un des fronts, en première ligne pour assurer des soins ou les services essentiels. Parce qu’ils vivent à l’étroit, où les conditions physiques, spatiales et humaines ne permettent pas de survivre au confinement sans subir de graves blessures dans sa chair ou son âme. Parce qu’ils doivent jongler pour combiner le télé-travail, l’enseignement des enfants, les soins à leur apporter, et leurs loisirs à organiser. Parce qu’ils craignent pour leurs ressources, leurs emplois, ou les ont déjà perdus. Parce qu’ils s’interrogent sur leurs capacités à rebondir, demain, et donc sur le sens à donner à leurs métiers, à leurs savoirs, à leurs vies.

Les artistes interprètes sont de ceux-là. D’un jour à l’autre, ils ont été coupés de leurs publics. Leurs projets se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Reportés, annulés, mis en question.
Nombreux sont ceux qui se sont alors tournés vers les nouveaux médias, vers le monde digital, pour y reprendre, poursuivre, réorienter leurs arts. Souvent, ils y étaient déjà, mais de façon plus discrète. Maintenant, c’est par écrans interposés qu’ils cherchent à retrouver leurs publics. À en toucher de nouveaux. Parfois, c’est l’épidémie même, et tout ce qui se passe autour, qui les inspire. Leurs œuvres sont souvent plus intéressantes que les réflexions qu’on trouve à longueur de journées dans la presse.
Ainsi Grand Corps Malade, qui a créé Effets secondaires.

[Pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’est slam, Grand Corps Malade est slameur. D’ailleurs, GCM n’est pas un groupe avec un chanteur, mais un artiste seul, Fabien Marsaud, qui par son nom d’artiste rappelle l’accident, le coma et la difficile rééducation qu’il a subis.]

Disons d’emblée qu’Effets secondaires est un beau texte — ce qui n’est pas gagné d’avance pour un poème occasionnel, c’est-à-dire écrit pour un sujet préalablement défini. Ici le corona. Qu’il comprend des choses très justes, sur l’occasion de prendre du temps, et du recul, sur la terre que nous détruisons, sur la redécouverte des métiers essentiels, si souvent dévalorisés…
Mais il y a un problème.

Accordons à un texte lyrique quelques libertés, reconnaissons qu’il est de coutume de présenter la nature comme un sujet qui agit, rappelons que c’est avec force qu’elle agit, prenons en compte que le texte comprend beaucoup d’éléments tout-à-fait valables, il n’en démeure pas moins qu’il y ait problème. Effets secondaires présente la nature comme ayant une volonté, tel un Dieu, et qui choisit ce qu’elle fait. Elle venge. Elle punit.

S’il essayait aussi de nous rendre la vue
Sur nos modes de vie devenus préjudiciables
Si on doit sauver nos vies en restant bien chez soi
On laisse enfin la terre récupérer ce qu’on lui a pris
La nature fait sa loi en reprenant ses droits
Se vengeant de notre arrogance et de notre mépris
Et est-ce un hasard si ce virus immonde
N’attaque pas les plus jeunes, n’atteint pas les enfants
Il s’en prend aux adultes responsables de ce monde
Il condamne nos dérives et épargne les innocents.

N’est-ce pas le genre de discours qu’on entend plutôt d’État Islamique, pour qui le corona-virus attaque les infidèles de l’Occident? N’est-ce pas le tremblement de terre de Lisbonne, au 1er novembre 1755, et la façon dont il était interprété comme la colère de Dieu? N’est-ce pas ce qu’on entend encore, aux 20ème et 21ème siècles, après les ouragans, les inondations, les incendies, les maladies, et puis les épidémies, quand à la recherche de causes physiques, dans lesquelles se rencontrent certes comportements humains et forces de la nature, se substitue la colère d’un être surhumain, qu’il s’appelle Dieu ou Nature?

Et que penser d’une épidémie qui, en plus de “ne pas attaquer les plus jeunes, de ne pas atteindre les enfants, de [ne] s’en prendre [qu’]aux adultes responsables de ce monde”… vise en particulier les peuples et les gens qui aiment la proximité et le contact physique, qui embrassent, bousculent ou serrent les mains, chez qui les médecins vont de maison en maison visiter les plus fragiles — apportant à leur insu le virus qui tue —, et qui épargne les sociétés où la distance est la norme? Que penser d’une épidémie qui frappe plus durement les plus faibles et creuse les inégalités? Que penser d’une épidémie qui remplace la sociabilité, l’interaction, l’imprévu, le contact direct par un monde fait d’interfaces et d’écrans, d’applications et de logiciels, de produits et de brevets? Qui pousse chacun dans sa bulle. Et qui écorche les libertés.

Est-ce cela que la nature veut?
Il y a bien un peu d’obscurantisme dans cette chanson.

 

post scriptum

Le 8 mars 2020, la chorale mixte d’Amsterdam, créée en 1928 et qui réunit 130 chanteurs-amateurs, a donné la Passion selon Saint-Jean de J.S. Bach, au Concertgebouw devant un public d’un millier d’auditeurs. Directement ou indirectement, cette représentation a causé le décès de quatre personnes (un chanteur et trois proches des chanteurs), et une centaine de malades, essentiellement parmi les chanteurs, les solistes, les musiciens et le chef d’orchestre, dont plusieurs ont dû être hospitalisés en soins intensifs avec assistance respiratoire. Plusieurs se remettent encore lentement et difficilement de la maladie.  (d’après Trouw, 9 mai 2020)

les dessins covid ❧

Ici, je réunis quelques dessins covid, pour l’essentiel réalisés à partir de ceux de la série “paroles”.

controle policier dans la rue efd l adresseConfinement   (26 mars 2020, dessin réalisé en octobre 2018)

policiers contrôlent le ort de masques

masques   (16 avril 2020)

l’application corona   (1 mai 2020)

 

 

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