Suddenly Winnie-the-Pooh stopped, and pointed excitedly in front of him. “Look!”
“What?” said Piglet, with a jump. And then, to show that he hadn’t been frightened, he jumped up and down once or twice more in an exercising sort of way.
“The tracks!” said Pooh. “A third animal has joined the other two!”
“Pooh!” cried Piglet “Do you think it is another Woozle?”
“No,” said Pooh, “because it makes different marks. It is either Two Woozles and one, as it might be, Wizzle, or Two, as it might be, Wizzles and one, if so it is, Woozle. Let us continue to follow them.”
Winnie-the-Pooh et son copain Piglet suivent des traces de pieds (de pattes)… qui sont les leurs. Cet exemple montre que la célèbre scène de Dupond et Dupont dans Tintin et le Crabe aux Pinces d’Or (1940-1941) est plus ancienne qu’on ne pense, car A.A. Milne l’a écrite quinze ans plus tôt (1926) dans le chapître 3 de son Winnie-the-Pooh.
En langue savante, ce que montre A.A. Milne avec Winnie-the-Pooh (et plus tard Hergé avec Dupond et Dupont) s’appelle le biais cognitif de confirmation, conceptualisé en 1960 par le psychologue britannique Peter Wason (1924-2003). L’esprit humain privilégie les informations qui confortent ce qu’il pense — ici: nous sommes sur le bon chemin —, et rejette les informations contradictoires.
L’imagination de l’écrivain (Milne) et du dessinateur de bédé (Hergé) a précédé les travaux du chercheur scientifique (Wason). Ici, c’est un des artistes (Hergé) qui a le mieux su populariser l’idée — ses dessins sont célèbres —, le nom Wason et le terme biais cognitif de confirmation sont réservés aux sachants. Mais dans d’autres cas, c’est la créativité anticipatrice des artistes qui est méconnue, visionnaire et précurseur de ce que des scientifiques ont découvert et (dans un certain sens) popularisé des décennies, voire des siècles plus tard.
Ce texte donne trois exemples (peut-être que j’en trouverai davantage), avec Thoreau (la vitesse généralisée), Balzac (l’automobilité) et Steinbeck (la classe créative et la gentrification).